La “PREHISTOIRE” du collège : évocation humoristique

 Discours de M. Christian Champion lors des Vingt ans du collège ( 30 mai 2000 )

 Le Collège de Rougemont fête aujourd’hui ses vingt ans. Vingt ans, quel bel âge…Et c’est au privilège de l’âge, j’hésite à  dire de l’ancienneté, que je dois de m’adresser à vous ce soir…

          Le collège a vingt ans, mais il eut aussi lui aussi son histoire, j’allais dire sa pré-histoire, car avant le 6 novembre 1979, date de son ouverture, il eut un passé que certains d’entre nous ont connu, dont il peut être fier et qu’il n’a pas à renier…

          J’évoquerai donc ici avec une mélancolie souriante ces jours de jeunesse, les siens et les nôtres, quand il ne portait pas encore ce joli nom de Villanelles issu de la Renaissance… 

          Collège à l’époque, il l’était, avec ses préfabriqués, ses salles dans le bâtiment de la Mairie de Rougemont, sa cantine et ses cuisines au rez-de-chaussée de la même bâtisse, dans une salle fraîche et voûtée, avec les déplacements en rangs serrés des élèves, imposés par l’éloignement des salles de classe, et  qui rythmaient la vie du village, avec les récréations dans la cour des abattoirs, la bien nommée, avec les cours d’éducation physique sur les graviers de la place du Breuil où l’on préparait les enchaînements du Certif, avec portique rouillé, sautoir à élastique et bac à sable, avec les heures de classe ponctuées par le tintement d’une cloche de vache qu’agitait avec conviction, surtout à la fin du cours d’anglais, un élève portant un pantalon court très british, que cette tâche, à laquelle il était tout dévoué, avait rendu célèbre…

          Les préfas, comme l’on disait, n’étaient pas particulièrement accueillants en hiver. Dans les seaux, l’eau destinée à l’éponge était gelée ; il fallait se soumettre à la corvée de bois pour alimenter les gros poêles, et l’isolation n’était pas de première qualité, isolation thermique et phonique, qui faisait se geler ou transpirer les occupants, et se mêler les cours d’allemand et de français dispensés parfois sur un ton un peu haut, dans un brouhaha linguistique qui semble, avec le recul, bien sympathique…

          Réunions parents-professeurs avaient lieu, bien sûr, comme aujourd’hui, mais à la Mairie, dans la grande salle, à l’étage et, oserais-je le dire, se terminaient le plus souvent avec verre à la main et musique, enseignants et parents communiquant alors sur des rythmes-musette dont l’aspect pédagogique n’était, pour tous, plus à démontrer.

          Les résultats au brevet – il y eut même des lauréats de premier plan au concours d’entrée à l’école normale – faisaient l’objet de fêtes parfois mémorables qui clôturaient une année de travail sans photocopieuse, sans ordinateur, sans CDI, sans même, au début, le duplicateur à alcool, symbole de progrès, dont les odeurs envahissaient  salles de classe et cartables…

Tout à la main, tout à la craie, avec professeur sur l’estrade et élèves disciplinés…devenus aujourd’hui les parents de nos élèves, et qui apparaissent sur les photos en noir et blanc, tout jeunes, portant blouses bien ajustées, et nous professeurs bien cravatés, endimanchés…Toute une époque que l’on ne peut évoquer qu’avec nostalgie quand un élève tenant une vieille photo lance «  C’est vous, Monsieur, avec ma maman ! »

          Enfin, tant qu’il ne dit pas  « avec ma grand-mère », cela  nous rassure…

          Heureux temps héroïques, et j’allais,  en reprenant Corneille, dire  « Ô combien d’actions, combien d’exploits célèbres sont demeurés sans gloire… »  Combien de leçons de français, d’explications répétées, de comptes rendus d’orthographe, de rédactions, de cours de math, de langues, de géographie et d’histoire, et de récompenses dans toutes ces années. Il y avait classements et même solennelle remise des prix…et tout cela a fait de ce collège un lieu de culture dispensée avec foi dans notre France profonde…N’est-ce pas là, d’ailleurs, dans cette France du terroir, que l’école de notre pays a pris ses racines, grâce à la graine méthodiquement semée et semée encore, qui a finalement germé et fait fleurir l’instruction, l’éducation et s’épanouir les esprits de nos chères têtes blondes ?

          Car elles nous sont chères en effet ces têtes d’enfants malgré les réprimandes et les punitions qui leur font dire parfois que l’école «  c’est pas bien », mais qui ne manquent pas d’avouer quelques années plus tard qu’elles gardent de bons souvenirs, que «  c’était le bon temps » et qu’elles n’oublieront pas…

Renaissance en 1979, collège nouveau par ses bâtiments, ses aménagements, ses facilités, mais aussi par ses défaillances, ses problèmes particuliers…Mais toujours collège de Rougemont où il fait bon vivre, où personnel enseignant, personnel de surveillance, de gestion, d’entretien, de cuisine, vivent dans une ambiance d’amitié, de convivialité, aiment à travailler ensemble, et s’il n’y a plus l’atmosphère évoquée précédemment, il n’en est pas moins vrai qu’il est là, et qu’il a, espérons-le, l’avenir devant lui…Ensemble, manifestons-lui notre attachement et souhaitons-lui longue vie…